L'Extrême Orient Russe est l'une des régions les moins connues de la planète, son accès ayant été interdit par le régime soviétique qui a entretenu pendant un siècle des conflits avec la Chine et le Japon mais où, pour unir l'empire, les tsars russes avaient rendu quelques villes accessibles par le transsibérien : Khabarovsk, Vladivostok, Yakoutsk... La seule évocation de ces noms fait surgir les images de la taïga de Derzou Ouzala, du Docteur Jivago ou de Michel Strogoff...
La désintégration communiste a plongé ces terres lointaines dans une économie parallèle, mais la richesse des sous-sols gorgés d'or, d'argent, de platine, de diamants, mais aussi de pétrole, de gaz ... celle des mers où poissons, crabes et mollusques abondent et l'immensité des lieux attirent les voisins japonais, coréens, chinois et même américains car l'Extrême Orient Russe est tourné vers le Pacifique : ici, on est plus proche de Vancouver, de Tokyo ou de Los Angeles que de Moscou ou de Saint-Pétersbourg ! En ces lieux où il y a moins d’un habitant au km², les gouverneurs locaux, loin de Moscou, y font leurs petits trafics en toute impunité.
Le Kamchatka, interdit aux Russes jusqu’en 1990 et aux étrangers jusqu’en 1992, est toujours cette terre de feu et de volcans « riche en fourrures et en poissons » conquise par les Cosaques au XVII° siècle... Ses richesses naturelles sont intactes : phoques, oiseaux, ours pêcheurs, mais aussi volcans, paysages de sources chaudes, grands marais côtiers et glaciers...
Les hommes ont joué un rôle dans l'histoire de ce pays et de nombreux vestiges rappellent une guerre froide pas si lointaine. Le Kamtchatka – péninsule de 1.250 kilomètres de long, sur la Ceinture de Feu du Pacifique, reste encore très isolé, les structures touristiques sont peu développées, les distances sont grandes et le terrain souvent difficile aussi les déplacements se font-ils en hélicoptère ou véhicule tous-terrains ou bien le long des côtes en bateau.
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Russkaya Bukta - Cap Kekurnyy
Voilà une bonne semaine que nous traçons notre sillage le long de cette Ceinture de Feu du Pacifique et aujourd’hui, après avoir traversé la Vestnik Bukta, nous sommes entrés au sud de la péninsule du Kamchatka dans la Russkaya Bukta en milieu de matinée alors que l’épais brouillard se levait par moments laissant entrevoir de jolis aperçus de la côte.
Pour débarquer, il a fallu que nos amis Victor Nikulin du Département de la Pêche Kamchatka et Nikolay le directeur de la Réserve Naturelle des îles du Commandeur prennent contact avec les gardes-frontières stationnés dans la baie, le but de notre balade de cette matinée étant d’essayer de voir des ours dont les traces sur la grève ont été nombreuses. Et si nous n’avons pas vu messire l’ours, peut-être se cachait-il dans les hautes herbes à quelques mètres de nous ?
Tout proche, le cap Kekurnyy est parait-il un excellent endroit pour l’observation de la faune sauvage. Un pygargue de Steller nous a salués à l’approche du cap et peu après, notre attention s’est tournée vers des lions de mer de Steller ( la plus grande espèce d’otaries ). Un gros mâle isolé sur un rocher nous a regardés placidement, alors que des mâles plus jeunes, un peu plus loin, paraissaient beaucoup plus agités, se battant et se poussant jusqu'à ce que la plupart finalement sautent dans la mer. La journée s’est conclue avec l’apparition d’un grand groupe d’orques épaulards.
Olga Bukta – Kronotsky Peserb
Nous voici, beaucoup plus au nord, dans la Kronotsky réserve, l'un des trois sites inscrits sur notre permis de navigation le long de la presqu’île du Kamchatka, dans le cadre grandiose du volcan Zhupanovskaya en toile de fond. La baie, étant très peu profonde, il a fallu mouiller au large de la côte avant de rejoindre la grève près du cap Olga où nous avons été accueillis par un Ranger qui nous a invités à le suivre jusqu’à la petite base d’observation en suivant la plage de sable, une plage très fréquentée … puisque nous y avons relevé des traces d'ours, des empreintes de loup et quelques pistes de rennes.
Mais que d’oiseaux ici : un petit groupe de canards arlequins, des canards à longue queue ( ou kakawi ), des courlis de Sibérie, plusieurs espèces de goélands, des mouettes, des bergeronnettes, des rossignols calliope et des pouillots boréal ainsi que deux aigles de Steller.
Nous nous sommes arrêtés pour inspecter l’épave d'un navire rouillé bien au-dessus de la ligne de marée haute ( le deuxième aperçu sur cette côte ), probablement jeté à la côte lors d’un tsunami. À peu près au même moment, certains membres du groupe ont aperçu un ours brun à travers la végétation, mais pour ma part, je n’ai rien vu. À la petite station hébergeant rangers et scientifiques à l'embouchure de la rivière, nous avons apprécié l'hospitalité des chercheurs qui nous ont offert café et petits en-cas. J’imagine que les visites ici doivent être rares …
La matinée a pris un tour excitant quand un grand ours mâle a été repéré à guère plus de 50 mètres émergeant du sous-bois. Il a traversé la rivière et s’est dirigé vers l'amont, disparaissant dans le sous-bois épais le long de la berge. Après environ 40 minutes, un autre ours est apparu et nous avons eu une vue imprenable sur un énorme mâle adulte, un ours brun du Kamtchatka, cherchant sa nourriture dans la rivière. Nous sommes restés à l’observer pendant plusieurs dizaines de minutes. Quelle journée …
Kamchatka Peninsula – Zhupanova River
Nous sommes venus mouiller dans des conditions parfaites au large de la rivière Zhupanova en fin de matinée pour ce qui allait être notre dernière sortie en zodiac de l'expédition. Le brouillard s’est levé lentement alors que nous remontions la rivière contournant les bancs de sable. Le soleil a fini par sortir laissant apparaître un paysage idyllique avec les volcans du Kamtchatka en toile de fond alors que nous étions environnés d'une myriade de petits échassiers, mouettes, sternes et même deux aigles de Steller.
Retour au village de pêcheurs où chacun a pu à nouveau apprécier la fantastique hospitalité russe, avec de la morue fraîche, du saumon et des boissons chaudes. Une belle fin à une belle journée !
Petropavlovsk-Kamchatskiy
Au petit jour, nous avons traversé l’Avacha Bukta et sommes venus nous amarrer au quai de Petropavlovsk-Kamchatskiy.
L’aventure se termine après deux semaines de navigation le long de cette partie russe de la Ceinture de Feu du Pacifique, si variée, si sauvage mais si riche en paysages divers. Malgré l’atmosphère pesante dans les îles Kouriles et surtout dans les îles du Commandeur, plus souriante le long des côtes du Kamchatka où il est vrai le soleil a été plus présent, des paysages somptueux nous ont été offerts. La faune a été très présente notamment les oiseaux faisant la joie des ornithologues qui ont relevé près de 90 espèces différentes ! Les botanistes ont aussi été gâtés avec 79 plantes ou fleurs relevées ( je ne vous en dirai pas plus : je n’y connais strictement rien ! ).
Une variété d’émotions dont nous conserverons longtemps le souvenir. Da Svidaniya Kamchatka !
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Je vous invite à regarder le montage audiovisuel ( 4,07 minutes ) ci-dessous.
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