Emblème de la Vanoise, le bouquetin est apparu en Europe Centrale durant les grandes glaciations, il y a 100.000 ans. Les glaciers géants ont isolé une population répartie depuis la Belgique jusqu'au sud de l’Italie ce qui a donné naissance à la forme alpine de cet ongulé. Convoité pour sa viande, puis pour de prétendues vertus miraculeuses, vulnérables du fait d’un comportement peu farouche, l’espèce fut menacée de disparition dès le XVII° siècle avec l’arrivée des armes à feu. Le roi Victor-Emmanuel II créa, dès 1856, une réserve royale de chasse au Grand Paradis érigée en 1922 en parc national. La démarche fut confortée dans le même temps par la politique suisse de protection et par la création en France en 1963 du Parc National de la Vanoise.
Depuis, de nombreuses opérations de réintroduction ont permis de restaurer l’espèce sur l’ensemble de l’arc alpin. La population est estimée en France à 7.000 individus ( données 2003 ) dont plus de 2.000 dans le parc de la Vanoise.
( Source PNV ).
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C’est dans le vallon de l’Orgère au-dessus de Modane, que l’on a le plus de chance de rencontrer ces beaux animaux.
Pour mettre toutes les chances de mon côté d’en « tirer » quelques-uns, je suis monté dès samedi après-midi bivouaquer à proximité du refuge de l’Orgère ( 1.935 m ) ajoutant au plaisir d’être ici la fraîcheur alors qu’en bas dans la plaine c’était la canicule.
Dimanche matin j’étais dehors bien avant 7 heures, avec une température plutôt fraîche ( 7° ) attaquant la rude montée en lacets à travers une forêt de pins cembros, retrouvant les vertes prairies seulement 35 minutes plus tard au niveau de l’alpage de l’Estiva ( 2.184 m ) .
Puis durant une grande heure, j’ai cheminé au pied des belles pentes sous la pointe de Tête Noire ( 2.673 m ), des pentes qu’affectionnent bouquetins ou chamois. Mais, pas de bouquetin !
Parvenu au-dessus du lac de la Partie, un tout petit lac au confluent du vallon de l’Orgère et celui de Polset, dans un très joli cadre à 2.504 mètres d'altitude au cœur d'un vaste espace, monsieur bouquetin était toujours aux abonnés absents.
J’ai continué à remonter les pentes enneigées vers le col de Chavière – des fois que l’idée serait venue aux aux bouquetins de passer sur le versant Pralognan-la-Vanoise - alors qu’ici ou là des traces de chamois pouvaient s’observer dans la neige.
Le col s'atteint en traversée par une dernière pente raide où la neige est encore gelée du fait de son orientation, le soleil ne faisant que l’effleurer en ce milieu de matinée ( 9 heures 45 ). Les marches laissées par des randonneurs passés hier aux heures chaudes de la fin d’après-midi, permettent de rejoindre le col encore qu’en certains endroits, la trace laissée présente quelques moments, disons … bien délicats.
J’ai débouché au col alors que surgissait de l’autre versant un couple de randonneurs venus du refuge Péclet-Polset. Nous avons échangé quelques mots – l’absence d’étagne, cabri ou vieux solitaire a été confirmée – et puis les randonneurs ont entamé la descente. La pente en neige glacée, manifestement ils ne l’ont pas aimé, prenant bien leur temps pour la traverser !
Quant à moi, après quelques photos, j’ai à mon tour attaqué cette descente mais plutôt que de reprendre la délicate trace de montée, je suis allé chercher plus loin une pente un peu plus douce et mieux exposée aux rayons du soleil et donc avec une neige un peu dégelée. Pendant quelques dizaines de mètres je me suis félicité de mon choix, mais ensuite il m’a bien fallu rejoindre l’itinéraire de montée.
Aie ! J’ai retrouvé une neige dure, gelée, où faire une marche impose bon nombre de coups de pied. Avant de quitter mon véhicule, j’avais hésité à prendre mon piolet, que ne l’avais-je pas pris ! On ne quitte pas une marche pour la suivante même si elle est bonne, on la quitte que si elle est excellente ! Il faut prendre son temps, ne pas s’énerver, être patient, éventuellement revenir un pas en arrière pour passer vingt ou trente centimètres plus bas plutôt que tenter le diable sur une surface plus glacée. C’est le genre de situation où chaque année des randonneurs partent en glissade et se blessent quand ils ne laissent pas leur vie en rencontrant quelques rochers au cours de leur glissade°.
La pente enfin traversée, j’ai repris mon parcours aller, empruntant tantôt le sentier, tantôt des restes de neige peu pentue et travaillée par le soleil où je pouvais faire de bonnes glissades. Damned ! Au dernier névé, dans mes traces de montée, des empreintes de sabot ! Un bouquetin est passé ici entre mes deux passages, sans même m’attendre !
Plus bas, j’ai croisé quelques petits groupes de randonneurs, quelques-uns lourdement chargés, allant sans doute vers Pralognan-la-Vanoise. Certains ont échangé quelques mots avec moi et je les ai mis en garde sur les pièges de la dernière pente sous le col de Chavière. Cette pente aurait-elle prélevé son tribut ? En arrivant au terme de ma balade, j’ai été survolé à deux reprises par un hélicoptère du secours en montagne de Modane se dirigeant vers le col de Chavière !
Puisque de bouquetin nenni par ici, peut-être sont-ils passés dans le vallon de Polset quoi que avec la chaleur ils sont à l'évidence cachés à l'ombre quelque part ? Je ne vais quand même pas rentrer bredouille de ma chasse du jour ! J’ai donc attaqué la longue descente du vallon de Polset dans un cadre très sauvage.
Ici le sentier est par endroit balisé avec des restes d’obus : avant la création du Parc de la Vanoise, le secteur servait d’entraînement à l’artillerie des troupes de montagne …
À la source du vin, j’ai fait halte. Pas question de dégustation d’un divin breuvage, le nom de la source provient assurément d’une boutade d’alpagiste au siècle dernier ou plus vraisemblablement au siècle précédent. En tout cas, le nom est officiel et figure bien sur la carte IGN au 1/25.000 du secteur ( OT3534 Les Trois Vallées Modane ). Toujours pas de bouquetin, rien, que dalle !
Après la source du vin, c’est un parcours en balcon de belle longueur à l’ombre des mélèzes pour arriver au hameau de Polset, quelques belles bâtisses en pierres avec des toits de lauzes comme il sied en Maurienne.
Les quelques randonneurs rencontrés dans ce vallon peu fréquenté bien qu’y passe un GR ( GR55 ) ont laissé leur véhicule en contrebas du hameau, mais moi il me fallait contourner la montagne pour rejoindre mon point de départ et c’est par un beau raidillon dans la chaleur bien qu’à l’ombre que j’ai rejoint mon camion.
Pas vu la queue ni même les cornes d’un bouquetin dans toute ma balade. Quel beau nemrod ai-je fait ! Et dire que pendant ce temps l’ami Yvan a tiré des isards et même des ours, enfin c’est ce qu’il prétend car il ne nous montre jamais rien !
Pas de bouquetin ni même de chamois, juste deux marmottes ! Quel tableau de chasse ! J'ai l'air fin ... Et dire que j’avais apporté avec moi outre mon petit SONY Rx100 Miii dont je ne me sépare plus, mon gros et lourd reflex avec un bon zoom et un trépied car, et vous l’aurez bien compris, ma chasse au bouquetin se voulait photographique, bien sûr …
° Si j'avais pris mes crampons, l'hostile traversée sous le col de Chavière, que j'ai mis un quart d'heure à parcourir, aurait été débonnaire et ne m'aurait demandé que 3 ou 4 minutes !
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