Mardi 18 mars ( J10 ) South Georgia - Grytviken
Après notre balade au fond de la Baie de Godthull, retour un peu avant midi au Prof. Molchanov qui appareille pendant que nous déjeunons pour une courte navigation vers Grytviken dans la Cumberland East Bay.
La Géorgie du Sud a été définitivement reconnue grâce au navigateur anglais James Cook, qui lors du second de ses trois voyages à la recherche de l’Antarctique, pris possession de ce territoire en janvier 1775, qu’il nomma Géorgie en hommage au roi George III du Royaume-Uni. Dans son journal de bord Cook, relate la présence d'otaries à fourrure en abondance, c’est la phrase de trop ; dès 1786, anglais et américains se lancent vers cet eldorado et massacrent en grande quantité. Au cours de la saison 1800-1801 par exemple, un navire américain ramena 51.000 fourrures de sa campagne de chasse, mais il n’était que l’un des 17 navires opérant dans la région ! La chasse s’arrêta d’elle même du fait de la raréfaction des otaries.
En 1902, une expédition suédoise avec à sa tête Carl Anton Larsen, remarque de nombreuses baleines autour de la Géorgie du Sud. Il s'est dit que la Baie de Grytviken serait un endroit idéal pour y installer une station baleinière. C’est ainsi que commence la seconde période sombre de cette île puisque 175.000 baleines seront tuées ; la limite de ce massacre étant la capacité de stockage des stations baleinières. Au plus fort de l’exploitation baleinière, sept stations furent opérationnelles : Grytviken, Husvik, Stromness, Leith Harbour, Prince Olav Harbour, Godthull et Ocean Harbour ! Une fois de plus, la mer « vidée » de ses baleines, la chasse s’est arrêtée peu à peu.
Petit à petit, les anglais prirent conscience de la richesse de la Géorgie du Sud et de leurs erreurs du passé et pour mieux la connaître et l’étudier, en 1969, une base de recherche a été installée à King Eward Point à proximité de l’ancienne station baleinière de Grytviken.
Nous sommes arrivés vers 14 heures dans un brouillard heureusement pas bien épais. Belle impression lorsque le Prof. Molchanov est venu ancrer au milieu de la King Edward Cove, une anse où se trouve ce petit village si célèbre tant pour les pêches à la baleine au début du siècle dernier que comme base de départ pour les expéditions vers le grand continent antarctique.
Après que la représentante du gouverneur, un membre du staff ayant été la chercher à Hope Point en zodiac – le gouverneur lui se trouve aux îles Falkland – soit venue contrôler les papiers du bateau comme ceux des passagers ( mais c’est l’organisation qui s’en est chargé ), nous descendons à terre à 14 heures 45.
Je suis du dernier zodiac cette fois, mais nous nous retrouvons tous sur la plage de galets à une centaine de mètres du cimetière où tout le monde va se diriger dans un concert de piaillements des otaries toujours aussi nombreuses ( j’en trouverai tout autour de la baie ).
Petit moment d’émotion au cimetière où 60 personnes sont enterrées : 59 tombes identiques de marins morts, soit en mer de maladie – fréquentes au début du vingtième siècle – ou, tombés à l’eau et morts d’hydrocution ou d’hypothermie, mais aussi des employés des stations baleinières, également un haut fonctionnaire pris dans une avalanche et enfin la soixantième tombe avec sa stèle, celle de Sir Ernest Henry Shackleton, décédé le 5 janvier 1922 d’une crise cardiaque à l’âge de 48 ans à bord du Quest alors qu’il dirigeait une nouvelle expédition vers l’Antarctique.
Pour les britanniques, il est toujours le pur héros et l’organisation d’Oceanwilde Expeditions, après un petit discours de Morten, offre à tout le monde un verre de vodka que l’on boit à moitié, le reste étant jeté sur la tombe de Shackleton…
Au dos de la stèle figure la fameuse inscription du poète Robert Browning: « I hold that a man should strive to the uttermost for his life’s set prize »[1]. J’ai toujours été un grand admirateur de Shackleton et venir ici restera un moment fort de mon voyage. Quant à la phrase de Browning, il y a longtemps qu’elle figure dans mon recueil de citations.
Ensuite, chacun ensuite est libre de se balader à sa guise. Je suis allé visiter la station baleinière – il y a des panneaux avec des explications – puis l’église bâtie par les norvégiens qui a été restaurée et qui contient des souvenirs, des ex-votos et là encore des plaques en l’honneur du héros.
Un peu plus loin est un petit musée que, bien sûr, nous avons tous visité. On nous avait annoncé hier que nous pourrions y acheter des cartes postales ( également des tee-shirts et des souvenirs ), les timbrer et les faire tamponner, qu’ensuite elles partiraient vers Santiago du Chili puis l’Europe ou ailleurs … Paiements en USD, EUR ou £ anglaises. J’ai oublié et je n’ai donc pas un penny avec moi, je n’enverrai donc pas de cartes …
Ensuite poursuivant ma balade cette fois en solitaire, par la route en terre j’ai rejoint la station officielle de Grytviken à Hope Point et à quelques pas de là, le monument à la mémoire de Shackleton en suivant un chemin bien occupé par des otaries très agressives. En revenant vers la station baleinière, j'ai eu le plaisir de voir s’envoler divers oiseaux de la région et aussi une centaine de sternes antarctiques. Retour à bord un peu avant 18 heures.
À 18 heures 15, nous étions conviés à un exposé, avec Power Point bien sûr, par Jennifer Lawson de la British Antarctic Survey sur le travail qu’elle effectue ici avec quelques collègues. 17 personnes en été, 9 en hiver, loin de tout, travaillent sur l’étude et la protection du milieu principalement marin. La pêche y est strictement réglementée et contrôlée car il y a malheureusement de la pêche illicite. Étude du krill et des poissons des mers australes, mais aussi protection des albatros apparemment réussie car ces superbes oiseaux de mer avalent les poissons péchés par les pêcheurs. Il s’ensuit qu’ils ingurgitent avec les poissons les hameçons et en meurent. De plusieurs centaines d’albatros morts de cette façon chaque année avant 2000 on est tombé à zéro en 2007. De nombreuses questions ont été posées à la conférencière à l’issue de son exposé. Voir www.msc.org
À 19 heures, nous étions conviés à un BBQ sur la plage arrière du Prof. Molchanov ( où sont entreposés les zodiacs ), une soirée extrêmement sympa et où étaient présents non seulement les passagers mais aussi les marins de l’équipage et la plupart des membres de la British Antarctic Survey de Grytviken. La température était parfaitement supportable en raison de l’absence de vent.
[1] Je considère qu’un homme doit lutter jusqu’à l’extrême pour l’accomplissement de sa vie.
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