Depuis toujours, les hommes parcourent les « drailles » reliant l’Aubrac au Languedoc. Les troupeaux languedociens l’utilisaient pour rejoindre les estives d’altitude, les caravanes de mulets chargés de sel, de vin, d’huile, de fromages, de laine, de cuir et nombre d’objets, l'empruntaient pour échanger entre « montagne » et « pays d’en bas ».
Le Moyen Âge en fit une voie de pèlerinage jalonnée de prieurés et d’hospices gérés par des religieux, conduisant à l’abbaye de Gellone, laquelle créée en 804 devint au XI° siècle un lieu majeur de dévotion. On y vénérait le tombeau du fondateur, Guilhem d’Aquitaine et une relique de la « Vraie Croix », don de Charlemagne. Aujourd’hui, l’abbaye de Gellone, sauvée de la ruine et animée par une communauté religieuse, est une pièce importante de l’art languedocien.
Sur les traces des derniers bergers, pour les randonneurs c'est un superbe parcours depuis les hautes terres d’Aubrac jusqu'à Saint-Guilhem-le-Désert qui est proposé, une combinaison de GR et de GRP qui étonne par la diversité des paysages sillonnés, une randonnée qui fait traverser les verts pâturages de l’Aubrac, les immensités des causses - le Causse du Sauveterre, le Causse Méjean et le Causse de Blandas – plateaux arides interrompus par des falaises vertigineuses surplombant les gorges du Tarn ou de la Jonte et le spectaculaires cirque de Navacelles, les majestueuses forêts de l’Aigoual dans le Parc National des Cévennes, et encore les sommets embaumés de thym de la Séranne puis les garrigues du Languedoc !°
Après avoir traversé la Montagne de la Séranne, l'arrivée à Saint-Guilhem-le-Désert n’est pas sans émotion...
Le « Camin de Sant Guillem », c’est un chemin qui offre 240 kilomètres de montées rudes ou tranquilles, de descentes joyeuses ou casse-pattes, en douze étapes de longueur raisonnable pour la plupart mais avec des dénivelés journaliers qui ne sont pas à sous-estimer souvent accentués par des portions vraiment raides. Le soir l’hébergement se fait en gîtes, en ferme-auberges ou dans de petits hôtels, l'accueil y est particulièrement chaleureux.
♦♦♦♦
J’ai rejoint en milieu de journée Aumont-Aubrac, mon point de départ, après un long trajet qui m’a fait changer de train à plusieurs reprises.
Me voici donc à la Ferme du Barry, un gîte qui voit passer bien du monde car Aumont-Aubrac est situé sur le GR65 le chemin qui du Puy-en-Velay mène vers Saint Jacques de Compostelle, un GR que je vais suivre durant deux jours.
Au dîner, Vincent le propriétaire du gîte a fait son habituel numéro avec son aligot. Ah il faut voir l’acteur dans un exercice bien rodé … Privilège d'un troisième passage en ces lieux, l'artiste m'avait placé face à lui, avec un verre de gentiane comme apéritif rendant jaloux mes voisins de table.
Jadis fabriqué et affiné dans les burons, le fromage de laguiole est aujourd’hui produit en usine. Classé en A.O.C., ce fromage est souvent assimilé à tort au cantal. Le lait caillé, broyé, égoutté est pressé en meule d’env. 40 kg ; la maturation dure de 2 à 18 mois selon le goût recherché, de la « délicatesse » sucrée du « jeune » à la puissante saveur du plus affiné. C’est au premier stade que la « tome », simple caillé égoutté, sert à la préparation de l’aligot. Une purée de pomme de terre légèrement parfumée à l’ail reçoit une bonne portion de tome émiettée qui fond sous l’effet de la chaleur. Il faut alors remuer vigoureusement le mélange pour obtenir de longs rubans qui filent…
Vincent n'utilise que de la tome de deux jours, sans doute est-ce pourquoi son aligot est le meilleur de tous ceux que j'ai dégustés à chacune de mes traversées de l'Aubrac mais il faut dire aussi qu'il ne fait que ça tous les jours dix mois par an et depuis plus de vingt ans... Chapeau l'artiste !
→ La recette
° Ces informations sur les paysages traversés sont pour l'essentiel tirées du topo-guide de la FFRP N° 4834 « Le Chemin de Saint-Guilhem-le-Désert »
→ Cliquer sur les photos pour les voir en grand format