Les îles Kouriles forment une ligne discontinue de quelque 1.200 kilomètres depuis l'extrême nord de l’île d’Hokkaïdo au Japon jusqu’à la pointe sud de la péninsule du Kamchatka formant ainsi une barrière entre la Mer d'Okhotsk peu profonde et l'Océan Pacifique qui atteint, à peu de distance, quelques unes de ses plus grandes profondeurs ( 8.518 m ). En japonais l'archipel est appelé Chishima rettō ce qui signifie la « chaîne des mille îles », c’est dire s’il y en a beaucoup quoi que … les japonais comptabilisent tous les îlots ( en fait, il y aurait une quarantaine d’îles dont quatre habitées ) !
Situées le long de la ligne de fracture entre deux plaques tectoniques ( zone de subduction ), ces îles font donc partie de la Ceinture de Feu du Pacifique, on y compte 52 volcans dont 13 actifs, celui d'Alaïd sur l’île Altasova atteint 3.300 mètres, le cône de Kunasir est à 2.254 mètres, Matua en renferme un de 1.377 mètres, Onekotan possède trois cratères...
L'aspect de ces îles est sinistre, elles sont sombres, souvent surmontées d'un panache de fumée, quasiment sans végétation, hormis le long du rivage. Toutefois aux Grandes Kouriles - dans la partie méridionale donc - on trouve quelques bouleaux, des peupliers, des saules, de petits chênes et même des bambous à tige marbrée à Sikotan. Elles sont presque toujours enveloppées d'épais brouillards et dans les détroits qui les séparent, de violents courants venant de la mer d'Okhotsk rendent les communications difficiles. Au nord d'Urup, les îles sont couvertes de neige qui ne fond guère même en été.
La population atteint un peu moins de 20.000 habitants, répartis pour les deux tiers dans les Kouriles méridionales.
La faune semble provenir d'Hokkaïdo et devient de plus en plus rare à mesure qu'on avance vers le nord : l'ours n'est présent que dans les Grandes Kouriles et à Paramushir - sans doute parce qu'il traverse en hiver le détroit gelé entre l'île et le Kamchatka - le renard l'est dans toute la chaîne, les castors et les loutres marines tendent à disparaître, les phoques, morses et lamantins sont relativement nombreux.
Ces îles, qui par le passé ont changé plusieurs fois de statut, appartiennent à la Russie bien qu’elles soient encore revendiquées par le Japon à telle enseigne que le Traité de Paix qui devait résulter de la fin de la seconde guerre mondiale entre les deux puissances n’a toujours pas été signé !
Ushishir Islands - Yankicha Island - Simushir Island
Hier, un épais brouillard nous a limités dans notre exploration de l’île Ekarma, mais aujourd’hui, dans une brume de mer qui cherche à se dissiper, moteurs poussés à fond, nos zodiacs se sont dirigés vers la caldeira de l'île de Yankicha, ralentissant juste le temps de franchir le seuil qui en limite l’accès, en profitant de la houle qui brise sur les parties émergées. Impressionnant !
Le calme retrouvé à l'intérieur de la caldeira, c’est un autre moment inoubliable qui nous a été donné. Posés sur l‘eau, des dizaines de milliers de macareux à aigrette, s’envolant, tourbillonnant dans le ciel de la caldeira se reposant plus loin. Des oiseaux si nombreux dans le ciel en même temps que parfois le ciel s’obscurcissait ! Deux espèces de macareux nichent ici, le macareux huppé et le macareux à moustaches.
Alors que nous longions lentement la grève abrupte, ce sont des renards arctiques que nous avons rencontrés installés sur de gros rochers émergeant de l’importante végétation.
Deux femelles et un groupe d’au moins quatre renardeaux très curieux à nous observer. Nous nous sommes ensuite dirigés de l’autre côté de la caldeira débarquant pour aller observer des sources géothermiques bouillonnantes avec une émanation de soufre.
Ressortant de la caldeira deux heures plus tard - la marée avait baissé un peu, mais la barre était encore navigable - avant de rejoindre le bateau, c’est un groupe d'arlequins plongeurs posés sur un rocher... et plus loin sur une falaise des mouettes tridactyles, des guillemots ( deux espèces ) et des cormorans ; également vu quelques otaries dans l'eau.
Dans l’après-midi, le brouillard s’est dissipé alors que nous approchions de l'île Simushir et c’est sous le soleil que nous avons pris la direction de cette grande caldeira qui a servi de base à une partie de la flotte soviétique de sous-marins. Zodiacs tirés en haut de la plage, à deux pas des anciens bâtiments de la base, nous sommes allés à la découverte de ce qui était probablement un centre administratif, un centre médical, une école, des ateliers et des hangars. Certains bâtiments ont été incendiés.
Matua Island - Sarycheva Volcano - Shaishkotan Island -Zakatnaya Bay
Tout le monde souhaitait voir si le volcan Sarycheva sur l'île Matua était en activité. Lors d’un précédent passage ici du Professor Kromov, une éruption avait éclaté et le navire avait été recouvert de cendres ! Nous sommes arrivés avant l’aube et avons stoppé au large jusqu'aux premières lueurs du jour permettant alors au bateau de s’approcher au plus près.
Malheureusement un brouillard épais cachait le volcan. Une heure passée, le brouillard ne se dissipant pas, nous avons mis cap au nord vers la baie de Zakatnaya sur l'île de Shiashkotan et avons débarqué toujours en zodiac.
Un sentier conduit à un plateau au-dessus de la plage où nous avons trouvé près d'une cascade un mur de pierre qui date presque certainement de l’époque du peuple Ainous. Plus loin, c'était les restes d'une ancienne base de garde-frontières russes.
Paramushir Island - Bukhta Krasheninnikova - Altasova Island
Le navire a fait route pendant la nuit vers la Bukhta Krasheninnikova à la pointe sud-ouest de l'île de Paramushir. Avant de débarquer, Rodney le chef d’expédition, nous a prévenus que des ours étaient présents dans cette île, il convenait donc de rester groupé et attentif !
Ici « la main de l’homme a mis le pied » selon ma formule favorite du moment et une quantité considérable de restes de cette présence passée se constate : murs en pierre, vestiges d'un treuil à vapeur, évidemment utilisé pour transporter quelque chose sur la terre ferme. Bien qu'il y eut nombre des signes de présence de l'ours ( déjections, empreintes dans le sol, branches arrachées ), aucun ours n’a été observé.
L'ancre relevée, nous avons mis le cap vers la Bukhta Alaidskaya sur l'île d’Altasova, la première île de la chaîne des Kouriles à avoir été découverte par les européens. Ici se trouve l’Alaïd, le plus haut volcan de la chaîne.
Une éruption en 1971 a formé un énorme cône de déjections volcaniques d’une centaine de mètres de hauteur, juste à côté de la plage dans la baie où nous avons débarqué. Il y a encore des traces d'occupation humaine ici car un goulag avait été établi sur l'île en 1955 et les prisonniers y travaillaient pour une usine de transformation de harengs jusqu'à sa fermeture en 1970.
Le débarquement est aisé sur une plage de sable noir où chacun était libre d'errer. Quelques audacieux sont allés jeter un œil au sommet du cône volcanique alors qu’avec mes complices habituels, nous sommes sont allés observer près des « deux lacs » des sauvagines et autres espèces animales…
En soirée, nous avons pris la direction du Kamchatka.
Nota : annoncé au printemps dernier, Moscou réarme les Kouriles et je me demande si des visiteurs auront encore la possibilité de venir découvrir ce coin perdu de la planète.
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Je vous invite à regarder le montage audiovisuel ( 12,33 minutes ) ci-dessous.
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